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consuelo.

et, ayant rappelé le fou, qui revint, docile à sa voix, elle lui jeta un bouquet de fleurs qu’elle avait cueilli dans la serre une heure auparavant, et qui était encore frais et parfumé à sa ceinture. Zdenko le ramassa, répéta son salut, renouvela ses exclamations et ses gambades, et, s’enfonçant dans des buissons épais où un lièvre eût seul semblé pouvoir se frayer un passage, il y disparut tout entier. Consuelo suivit des yeux sa course rapide pendant quelques instants, en voyant le haut des branches s’agiter dans la direction du sud-est. Mais un léger vent qui s’éleva rendit cette observation inutile, en agitant toutes les branches du taillis ; et Consuelo rentra, plus que jamais attachée à la poursuite de son dessein.

XXXVII.

Lorsque Amélie fut appelée à traduire la phrase que Consuelo avait écrite sur son carnet et gravée dans sa mémoire, elle dit qu’elle ne la comprenait pas du tout, quoiqu’elle pût la traduire littéralement par ces mots :

Que celui à qui on a fait tort te salue.

« Peut-être, ajouta-t-elle, veut-il parler d’Albert, ou de lui-même, en disant qu’on leur a fait tort en les taxant de folie, eux qui se croient les seuls hommes raisonnables qu’il y ait sur la terre. Mais à quoi bon chercher le sens des discours d’un insensé ? Ce Zdenko occupe beaucoup plus votre imagination qu’il ne mérite.

— C’est la croyance du peuple dans tous les pays, répondit Consuelo, d’attribuer aux fous une sorte de lumière supérieure à celle que perçoivent les esprits positifs et froids. J’ai le droit de conserver les préjugés de ma classe, et je ne puis jamais croire qu’un fou parle au hasard en disant des paroles qui nous paraissent inintelligibles.