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consuelo.

elle devint si nette et si intense, qu’elle ne put l’attribuer à une illusion de ses sens. Que ce fût la retraite passagère d’une bande de zingari, ou le repaire de quelque brigand, il n’en était pas moins certain que le Schreckenstein était occupé en ce moment par des êtres vivants ; et Consuelo, après sa prière naïve et fervente au Dieu de vérité, n’était plus disposée du tout à croire à l’existence des êtres fantastiques et malfaisants dont la chronique populaire peuplait la montagne. Mais n’était-ce pas plutôt Zdenko qui allumait ce feu, pour se soustraire au froid de la nuit ? Et si c’était Zdenko, n’était-ce pas pour réchauffer Albert que les branches desséchées de la forêt brûlaient en ce moment ? On avait vu souvent cette lueur sur le Schreckenstein ; on en parlait avec effroi, on l’attribuait à quelque fait surnaturel. On avait dit mille fois qu’elle émanait du tronc enchanté du vieux chêne de Ziska. Mais le Hussite n’existait plus ; du moins il gisait au fond du ravin, et la clarté rouge brillait encore à la cime du mont. Comment ce phare mystérieux n’appelait-il pas les recherches vers cette retraite présumée d’Albert ?

« Ô apathie des âmes dévotes ! pensa Consuelo ; tu es un bienfait de la Providence, ou une infirmité des natures incomplètes ? » Elle se demanda en même temps si elle aurait le courage d’aller seule, à cette heure, au Schreckenstein, et elle se répondit que, guidée par la charité, elle l’aurait certainement. Mais elle pouvait se flatter un peu gratuitement à cet égard ; car la clôture sévère du château ne lui laissait aucune chance d’exécuter ce dessein.

Dès le matin, elle s’éveilla pleine de zèle, et courut au Schreckenstein. Tout y était silencieux et désert. L’herbe ne paraissait pas foulée autour de la pierre d’Épouvante. Il n’y avait aucune trace de feu, aucun vestige de la