— Je ne nie pas les bons mouvements de cette jeune étrangère, répondit le chapelain. Mais il y a du délire dans son fait, n’en doutez pas, madame. Elle aura rêvé du comte Albert cette nuit, et elle nous donne imprudemment ses visions pour des certitudes. Gardez-vous d’agiter l’âme pieuse et soumise de votre vénérable frère par des assertions si frivoles. Peut-être aussi ne faudrait-il pas trop encourager les témérités de cette signora Porporina… Elles peuvent la précipiter dans des dangers d’une autre nature que ceux qu’elle a voulu braver jusqu’ici…
— Je ne vous comprends pas, dit avec une grave naïveté la chanoinesse Wenceslawa.
— Je suis fort embarrassé de m’expliquer, reprit le digne homme… Pourtant il me semble… que si un commerce secret, bien honnête et bien désintéressé sans doute, venait à s’établir entre cette jeune artiste et le noble comte…
— Eh bien ? dit la chanoinesse en ouvrant de grands yeux.
— Eh bien, madame, ne pensez-vous pas que des sentiments d’intérêt et de sollicitude, fort innocents dans leur principe, pourraient, en peu de temps, à l’aide de circonstances et d’idées romanesques, devenir dangereux pour le repos et la dignité de la jeune musicienne ?
— Je ne me serais jamais avisée de cela ! s’écria la chanoinesse, frappée de cette réflexion. Croiriez-vous donc, mon père, que la Porporina pourrait oublier sa position humble et précaire dans des relations quelconques avec un homme si élevé au-dessus d’elle que l’est mon neveu Albert de Rudolstadt ?
— Le comte Albert de Rudolstadt pourrait l’y aider lui-même, sans le vouloir, par l’affectation qu’il met à traiter de préjugés les respectables avantages du rang et de la naissance.