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consuelo.

noire et ma mantille de mousseline blanche sur la chaise à côté de mon lit. Aussitôt que j’ai été éveillée, j’ai serré la toilette comme elle l’avait fait dans mon rêve, et j’ai mis la robe noire et la mantille : me voilà prête. Je me sens du courage depuis que j’ai renoncé à plaire par des moyens dont je ne sais pas me servir. Tiens, écoute ma voix, tout est là, vois-tu. »

Elle fit un trait.

« Juste ciel ! nous sommes perdus ! s’écria Anzoleto ; ta voix est voilée, et tes yeux sont rouges. Tu as pleuré hier soir, Consuelo ; voilà une belle affaire ! Je te dis que nous sommes perdus, que tu es folle avec ton caprice de t’habiller de deuil un jour de fête ; cela porte malheur et cela t’enlaidit. Et vite, et vite ! reprends ta belle robe, pendant que j’irai t’acheter du rouge. Tu es pâle comme un spectre. »

Une discussion assez vive s’éleva entre eux à ce sujet. Anzoleto fut un peu brutal. Le chagrin rentra dans l’âme de la pauvre fille ; ses larmes coulèrent encore. Anzoleto s’en irrita davantage, et, au milieu du débat, l’heure sonna, l’heure fatale, le quart avant deux heures, juste le temps de courir à l’église, et d’y arriver en s’essoufflant. Anzoleto maudit le ciel par un jurement énergique. Consuelo, plus pâle et plus tremblante que l’étoile du matin qui se mire au sein des lagunes, se regarda une dernière fois dans sa petite glace brisée : puis se retournant, elle se jeta impétueusement dans les bras d’Anzoleto.

« Ô mon ami, s’écria-t-elle, ne me gronde pas, ne me maudis pas. Embrasse-moi bien fort, au contraire, pour ôter à mes joues cette pâleur livide. Que ton baiser soit comme le feu de l’autel sur les lèvres d’Isaïe, et que Dieu ne nous punisse pas d’avoir douté de son secours ! »

Alors, elle jeta vivement sa mantille sur sa tête, prit