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consuelo.

d’une race inférieure à la leur, et qui croiront votre sang moins précieux que celui des rois et des princes de la terre. Que penseriez-vous de moi, Consuelo, si, parce que je suis issu de ces rois et de ces princes, je m’élevais dans ma pensée au-dessus de vous ?

— Je vous pardonnerais un préjugé que toute votre caste regarde comme sacré, et contre lequel je n’ai jamais songé à me révolter, heureuse que je suis d’être née libre et pareille aux petits, que j’aime plus que les grands.

— Vous me le pardonneriez, Consuelo ; mais vous ne m’estimeriez guère ; et vous ne seriez point ici, seule avec moi, tranquille auprès d’un homme qui vous adore, et certaine qu’il vous respectera autant que si vous étiez proclamée, par droit de naissance, impératrice de la Germanie. Oh ! laissez-moi croire que, sans cette connaissance de mon caractère et de mes principes, vous n’auriez pas eu pour moi cette céleste pitié qui vous a amenée ici la première fois. Eh bien, ma sœur chérie, reconnaissez donc dans votre cœur, auquel je m’adresse (sans vouloir fatiguer votre esprit de raisonnements philosophiques), que l’égalité est sainte, que c’est la volonté du père des hommes, et que le devoir des hommes est de chercher à l’établir entre eux. Lorsque les peuples étaient fortement attachés aux cérémonies de leur culte, la communion représentait pour eux toute l’égalité dont les lois sociales leur permettaient de jouir. Les pauvres et les faibles y trouvaient une consolation et une promesse religieuse, qui leur faisait supporter leurs mauvais jours, et espérer, dans l’avenir du monde, des jours meilleurs pour leurs descendants. La nation bohême avait toujours voulu observer les mêmes rites eucharistiques que les apôtres avaient enseignés et pratiqués. C’était bien la communion antique et fraternelle, le banquet de l’égalité, la représentation du règne de Dieu,