Page:Sand - Consuelo - 1856 - tome 2.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
174
consuelo.

repris la conversation en lui demandant des détails sur le pays et ses habitants. Naturellement le guide lui avait parlé des seigneurs de Rudolstadt, de leur manière de vivre, des bizarreries du comte Albert, dont la folie n’était plus un secret pour personne, surtout depuis l’aversion que le docteur Wetzélius lui avait vouée très-cordialement. Ce guide n’avait pas manqué d’ajouter, pour compléter la chronique scandaleuse de la province, que le comte Albert venait de couronner toutes ses extravagances en refusant d’épouser sa noble cousine la belle baronne Amélie de Rudolstadt, pour se coiffer d’une aventurière, médiocrement belle, dont tout le monde devenait amoureux cependant lorsqu’elle chantait, parce qu’elle avait une voix extraordinaire.

Ces deux circonstances étaient trop applicables à Consuelo pour que notre voyageur ne demandât pas le nom de l’aventurière ; et en apprenant qu’elle s’appelait Porporina, il ne douta plus de la vérité. Il rebroussa chemin à l’instant même ; et, après avoir rapidement improvisé le prétexte et le titre sous lesquels il pouvait s’introduire dans ce château si bien gardé, il avait encore arraché quelques médisances à son guide. Le bavardage de cet homme lui avait fait regarder comme certain que Consuelo était la maîtresse du jeune comte, en attendant qu’elle fût sa femme ; car elle avait ensorcelé, disait-on, toute la famille, et, au lieu de la chasser comme elle le méritait, on avait pour elle dans la maison des égards et des soins qu’on n’avait jamais eus pour la baronne Amélie.

Ces détails stimulèrent Anzoleto tout autant et peut-être plus encore que son véritable attachement pour Consuelo. Il avait bien soupiré après le retour de cette vie si douce qu’elle lui avait faite ; il avait bien senti qu’en perdant ses conseils et sa direction, il avait perdu ou compromis pour longtemps son avenir musical ; enfin