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consuelo.

il le souhaitait le vieux prêtre, qu’il avait déjà entrepris.

Le plan d’Anzoleto était bien simple. Il voulait se rendre odieux et insupportable à ceux de la famille qu’il pressentait hostiles au mariage projeté, afin de leur donner par son mauvais ton, son air familier, et ses paroles déplacées, la plus mauvaise idée de l’entourage et de la parenté de Consuelo. « Nous verrons, se disait-il, s’ils avaleront le frère que je vais leur servir. »

Anzoleto, chanteur incomplet et tragédien médiocre, avait les instincts d’un bon comique. Il avait déjà bien assez vu le monde pour savoir prendre par imitation les manières élégantes et le langage agréable de la bonne compagnie ; mais ce rôle n’eût servi qu’à réconcilier la chanoinesse avec la basse extraction de la fiancée, et il prit le genre opposé avec d’autant plus de facilité qu’il lui était plus naturel. S’étant bien assuré que Wenceslawa, en dépit de son obstination à ne parler que l’allemand, la langue de la cour et des sujets bien pensants, ne perdait pas un mot de ce qu’il disait en italien, il se mit à babiller à tort et à travers, à fêter le bon vin de Hongrie, dont il ne craignait pas les effets, aguerri qu’il était de longue main contre les boissons les plus capiteuses, mais dont il feignit de ressentir les chaleureuses influences pour se donner l’air d’un ivrogne invétéré.

Son projet réussit à merveille. Le comte Christian, après avoir ri d’abord avec indulgence de ses bouffonnes saillies, ne sourit bientôt plus qu’avec effort, et eut besoin de toute son urbanité seigneuriale, de toute son affection paternelle, pour ne pas remettre à sa place le déplaisant futur beau-frère de son noble fils. Le chapelain, indigné, bondit plusieurs fois sur sa chaise, et murmura en allemand des exclamations qui ressemblaient à des exor-