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consuelo.

donc, et rends-moi ton amour ; ou bien je vais partir aussitôt, et promener mon désespoir, mon isolement et mon ennui par toute la terre. Étranger partout, sans appui, sans conseil, sans affection, je ne pourrai plus croire à Dieu, et mon égarement retombera sur ta tête. »

Cette homélie attendrit vivement le comte, et arracha des larmes à la bonne chanoinesse.

« Vous l’entendez, Porporina, s’écria-t-elle ; ce qu’il vous dit est très-beau et très-vrai. Monsieur le chapelain, vous devez, au nom de la religion, ordonner à la signora de se réconcilier avec son frère. »

Le chapelain allait s’en mêler. Anzoleto n’attendit pas le sermon, et, saisissant Consuelo dans ses bras, malgré sa résistance et son effroi, il l’embrassa passionnément à la barbe du chapelain et à la grande édification de l’assistance. Consuelo, épouvantée d’une tromperie si impudente, ne put s’y associer plus longtemps.

« Arrêtez ! dit-elle, monsieur le comte, écoutez-moi !… »

Elle allait tout révéler, lorsque Albert parut. Aussitôt l’idée de Zdenko revint glacer de crainte l’âme prête à s’épancher. L’implacable protecteur de Consuelo pouvait vouloir la débarrasser, sans bruit et sans délibération, de l’ennemi contre lequel elle allait l’invoquer. Elle pâlit, regarda Anzoleto d’un air de reproche douloureux, et la parole expira sur ses lèvres.

À sept heures sonnantes, on se remit à table pour souper. Si l’idée de ces fréquents repas est faite pour ôter l’appétit à mes délicates lectrices, je leur dirai que la mode de ne point manger n’était pas en vigueur dans ce temps-là et dans ce pays-là. Je crois l’avoir déjà dit : on mangeait lentement, copieusement, et souvent, à Riesenburg. La moitié de la journée se passait presque à