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consuelo.

me semble que vous êtes soucieux, et je ne puis m’ôter de l’idée que ma compagnie vous embarrasse.

— Ne dites pas cela ! s’écria-t-il avec douleur ; c’est manquer d’estime pour moi, c’est me refuser votre confiance et votre amitié que je voudrais payer de ma vie.

— En ce cas, ne soyez pas triste, à moins que vous n’ayez quelque autre sujet de chagrin que vous ne m’avez pas confié. »

Joseph tomba dans un morne silence, et ils marchèrent longtemps sans qu’il pût trouver la force de le rompre. Plus ce silence se prolongeait, plus le jeune homme en ressentait d’embarras ; il craignait de se laisser deviner. Mais il ne trouvait rien de convenable à dire pour renouer la conversation. Enfin, faisant un grand effort sur lui-même :

« Savez-vous, lui dit-il, à quoi je songe très-sérieusement ?

— Non, je ne le devine pas, répondit Consuelo, qui, pendant tout ce temps, s’était perdue dans ses propres préoccupations, et qui n’avait rien trouvé d’étrange à son silence.

— Je pensais, chemin faisant, que, si cela ne vous ennuyait pas, vous devriez m’enseigner l’italien. Je l’ai commencé avec des livres cet hiver ; mais, n’ayant personne pour me guider dans la prononciation, je n’ose pas articuler un seul mot devant vous. Cependant je comprends ce que je lis, et si, pendant notre voyage, vous étiez assez bonne pour me forcer à secouer ma mauvaise honte, et pour me reprendre à chaque syllabe, il me semble que j’aurais l’oreille assez musicale pour que votre peine ne fût pas perdue.

— Oh ! de tout mon cœur, répondit Consuelo. J’aime qu’on ne perde pas un seul des précieux instants de la vie pour s’instruire ; et comme on s’instruit soi-même en