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consuelo.

sura qu’il n’y avait plus personne dans la hutte, et le chevrier lui-même l’y laissa seule avec Haydn ; car il suivit les contrebandiers, pour les guider dans les sentiers de la montagne, et leur enseigner un passage à la frontière, connu, disait-il, de lui seul.

« Si tu nous trompes, au premier soupçon je te fais sauter la cervelle, » lui dit un de ces hommes à figure énergique et grave.

Ce fut la dernière parole que Consuelo entendit. Leurs pas mesurés firent craquer le gravier pendant quelques instants. Le bruit d’un ruisseau voisin, grossi par la pluie, couvrit celui de leur marche, qui se perdait dans l’éloignement.

« Nous avions tort de les craindre, dit Joseph sans quitter cependant le bras de Consuelo qu’il pressait toujours contre sa poitrine. Ce sont des gens qui évitent les regards encore plus que nous.

— Et à cause de cela, je crois que nous avons couru quelque danger, répondit Consuelo. Quand vous les avez heurtés dans l’obscurité, vous avez bien fait de ne rien répondre à leurs jurements ; ils vous ont pris pour un des leurs. Autrement, ils nous auraient peut-être craints comme des espions, et nous auraient fait un mauvais parti. Grâce à Dieu, il n’y a plus rien à craindre, et nous voilà enfin seuls.

— Reposez-vous donc, dit Joseph en sentant à regret le bras de Consuelo se détacher du sien. Je veillerai encore, et au jour nous partirons. »

Consuelo avait été plus fatiguée par la peur que par la marche ; elle était si habituée à dormir sous la garde de son ami, qu’elle céda au sommeil. Mais Joseph, qui avait pris, lui aussi, après bien des agitations, l’habitude de dormir auprès d’elle, ne put cette fois goûter aucun repos. Cette main de Consuelo, qu’il avait tenue toute