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consuelo.

riant, avec son air de franchise et d’insouciance ; des musiciens qui ne boivent pas ! Vous êtes les premiers de ce caractère que je rencontre !

— Et vous, monsieur, êtes-vous musicien ? dit Joseph. Je gage que vous l’êtes ! Le diable m’emporte si vous n’êtes pas maître de chapelle de quelque principauté saxonne !

— Peut-être, répondit Mayer en souriant ; et voilà pourquoi vous m’inspirez de la sympathie, mes enfants.

— Si monsieur est un maître, reprit Consuelo, il y a trop de distance entre son talent et celui des pauvres chanteurs des rues comme nous pour l’intéresser bien vivement.

— Il y a de pauvres chanteurs de rues qui ont plus de talent qu’on ne pense, dit Mayer ; et il y a de très-grands maîtres, voire des maîtres de chapelle des premiers souverains du monde, qui ont commencé par chanter dans les rues. Si je vous disais que, ce matin, entre neuf et dix heures, j’ai entendu partir d’un coin de la montagne, sur la rive gauche de la Moldaw, deux voix charmantes qui disaient un joli duo italien, avec accompagnement de ritournelles agréables, et même savantes sur le violon ! Eh bien, cela m’est arrivé, tandis que je déjeunais sur un coteau avec mes amis. Et cependant quand j’ai vu descendre de la colline les musiciens qui venaient de me charmer, j’ai été fort surpris de trouver en eux deux pauvres enfants, l’un vêtu en petit paysan, l’autre… bien gentil, bien simple, mais peu fortuné en apparence… Ne soyez donc ni honteux ni surpris de l’amitié que je vous témoigne, mes petits amis, et faites-moi celle de boire aux muses, nos communes et divines patronnes.

— Monsieur, maestro ! s’écria Joseph tout joyeux et tout à fait gagné, je veux boire à la vôtre. Oh ! vous êtes un véritable musicien, j’en suis certain, puisque