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consuelo.

croyez-moi, le moment n’est pas venu. Ils vont tirer sur vous.

— Arrêtez-vous, ou vous êtes morts, cria le conducteur qui courait plus vite qu’eux, et les tenait à portée du pistolet, le bras étendu.

— C’est le moment de payer d’assurance, dit Consuelo en s’arrêtant ; Joseph, faites et dites comme moi. Ah ! ma foi, dit-elle à haute voix en se retournant, et en riant avec l’aplomb d’une bonne comédienne, si je n’avais pas trop de mal aux pieds pour courir davantage, je vous ferais bien voir que la plaisanterie ne prend pas. »

Et, regardant Joseph qui était pâle comme la mort, elle affecta de rire aux éclats, en montrant cette figure bouleversée aux autres voyageurs qui s’étaient rapprochés d’eux.

« Il l’a cru ! s’écria-t-elle avec une gaieté parfaitement jouée. Il l’a cru, mon pauvre camarade ! Ah ! Beppo, je ne te croyais pas si poltron. Eh ! monsieur le professeur, voyez donc Beppo, qui s’est imaginé tout de bon que monsieur voulait lui envoyer une balle ! »

Consuelo affectait de parler vénitien, tenant ainsi en respect par sa gaieté l’homme au pistolet, qui n’y entendait rien. M. Mayer affecta de rire aussi.

Puis, se tournant vers le conducteur :

« Quelle est donc cette mauvaise plaisanterie ? lui dit-il non sans un clignement d’œil que Consuelo observa très-bien. Pourquoi effrayer ainsi ces pauvres enfants ?

— Je voulais savoir s’ils avaient du cœur, répondit l’autre en remettant ses pistolets dans son ceinturon.

— Hélas ! dit malignement Consuelo, monsieur aura maintenant une triste opinion de toi, mon ami Joseph. Quant à moi, je n’ai pas eu peur, rendez-moi justice ! monsieur Pistolet.

— Vous êtes un brave, répondit M. Mayer ; vous