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dans sa main, et qu’il pouvait déchaîner encore une fois au moment où elle remonterait le puits seule et privée du secours d’Albert. Car celui-ci, en proie à une fantaisie nouvelle, semblait la voir devant lui et suivre un fantôme trompeur, tandis qu’il l’abandonnait dans les ténèbres. C’en était trop pour une femme, et pour Consuelo elle-même. Cynabre marchait aussi vite que son maître, et fuyait emportant le flambeau ; Consuelo avait laissé le sien dans la cellule. Le chemin faisait des angles nombreux, derrière lesquels la clarté disparaissait à chaque instant. Consuelo heurta contre un de ces angles, tomba, et ne put se relever. Le froid de la mort parcourut tous ses membres. Une dernière appréhension se présenta rapidement à son esprit. Zdenko, pour cacher l’escalier et l’issue de la citerne, avait probablement reçu l’ordre de lâcher l’écluse après un temps déterminé. Lors même que la haine ne l’inspirerait pas, il devait obéir par habitude à cette précaution nécessaire. C’en est donc fait, pensa Consuelo en faisant de vaines tentatives pour se traîner sur ses genoux. Je suis la proie d’un destin impitoyable. Je ne sortirai plus de ce souterrain funeste ; mes yeux ne reverront plus la lumière du ciel.

Déjà un voile plus épais que celui des ténèbres extérieures s’étendait sur sa vue, ses mains s’engourdissaient, et une apathie qui ressemblait au dernier sommeil suspendait ses terreurs. Tout à coup elle se sent pressée et soulevée dans des bras puissants, qui la saisissent et l’entraînent vers la citerne. Un sein embrasé palpite contre le sien, et le réchauffe ; une voix amie et caressante lui adresse de tendres paroles ; Cynabre bondit devant elle en agitant la lumière. C’est Albert, qui, revenu à lui, l’emporte et la sauve, avec la passion d’une mère qui vient de perdre et de retrouver son enfant. En trois minutes ils arrivèrent au canal où l’eau de la