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consuelo.

— J’irai, mon frère, répondit la chanoinesse, qui ne disait plus un mot et ne faisait plus un pas à propos de Consuelo sans consulter les regards du chapelain. Mais ne vous tourmentez pas, Christian ; ce ne sera rien ! La signora Nina est très-nerveuse. Elle sera bientôt guérie. — N’est-ce pas pourtant une chose bien singulière, dit-elle au chapelain un instant après, lorsqu’elle put le prendre à part, que cette fille ait prédit le retour d’Albert avec tant d’assurance et de vérité ! Monsieur le chapelain, nous nous sommes peut-être trompés sur son compte. C’est peut-être une espèce de sainte qui a des révélations ?

— Une sainte serait venue entendre la messe, au lieu d’avoir la fièvre dans un pareil moment, objecta le chapelain d’un air profond. »

Cette remarque judicieuse arracha un soupir à la chanoinesse. Elle alla néanmoins voir Consuelo, et lui trouva une fièvre brûlante, accompagnée d’une somnolence invincible. Le chapelain fut appelé, et déclara qu’elle serait fort malade si cette fièvre continuait. Il interrogea la jeune baronne pour savoir si sa voisine de chambre n’avait pas eu une nuit très-agitée.

« Tout au contraire, répondit Amélie, je ne l’ai pas entendue remuer. Je m’attendais, d’après ses prédictions et les beaux contes qu’elle nous faisait depuis quelques jours, à entendre le sabbat danser dans son appartement. Mais il faut que le diable l’ait emportée bien loin d’ici, ou qu’elle ait affaire à des lutins fort bien appris, car elle n’a pas bougé, que je sache, et mon sommeil n’a pas été troublé un seul instant. »

Ces plaisanteries parurent de fort mauvais goût au chapelain ; et la chanoinesse, que son cœur sauvait des travers de son esprit, les trouva déplacées au chevet d’une compagne gravement malade. Elle n’en témoigna