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consuelo.

« Si vous êtes médecin, lui répondit-il, et si vous avez autorité ici, je ne vois pas pourquoi l’on m’a fait appeler, et je m’en retourne chez moi.

— Si vous ne voulez point vous décider en temps opportun, vous pouvez vous retirer, dit Albert. »

Le docteur Wetzelius, profondément blessé d’avoir été associé à un confrère inconnu, qui le traitait avec si peu de déférence, se leva et passa dans la chambre d’Amélie, pour s’occuper des nerfs de cette jeune personne, qui le demandait instamment, et pour prendre congé de la chanoinesse ; mais celle-ci le retint.

« Hélas ! mon cher docteur, lui dit-elle, vous ne pouvez pas nous abandonner dans une pareille situation. Voyez quelle responsabilité pèse sur nous ! Mon neveu vous a offensé ; mais devez-vous prendre au sérieux la vivacité d’un homme si peu maître de lui-même ?…

— Est-ce donc là le comte Albert ? demanda le docteur stupéfait. Je ne l’aurais jamais reconnu. Il est tellement changé !…

— Sans doute ; depuis près de dix ans que vous ne l’avez vu, il s’est fait en lui bien du changement.

— Je le croyais complètement rétabli, dit le docteur avec malignité ; car on ne m’a pas fait appeler une seule fois depuis son retour.

— Ah ! mon cher docteur ! vous savez bien qu’Albert n’a jamais voulu se soumettre aux arrêts de la science.

— Et cependant le voilà médecin lui-même, à ce que je vois ?

— Il a quelques notions de tout ; mais il porte en tout sa précipitation bouillante. L’état affreux où il vient de voir cette jeune fille l’a beaucoup troublé ; autrement vous l’eussiez trouvé plus poli, plus sensé, et plus reconnaissant des soins que vous lui avez donnés dans son enfance.