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consuelo.

— Je crains qu’il n’en ait plus besoin que jamais, » reprit le docteur, qui, malgré son respect pour la famille et le château, aimait mieux affliger la chanoinesse par cette dure réflexion, que de quitter son attitude dédaigneuse, et de renoncer à la petite vengeance de traiter Albert comme un insensé.

La chanoinesse souffrit de cette cruauté, d’autant plus que le dépit du docteur pouvait lui faire divulguer l’état de son neveu, qu’elle prenait tant de peine pour dissimuler. Elle se soumit pour le désarmer, et lui demanda humblement ce qu’il pensait de cette saignée conseillée par Albert.

« Je pense que c’est une absurdité pour le moment, dit le docteur, qui voulait garder l’initiative et laisser tomber l’arrêt en toute liberté de sa bouche révérée. J’attendrai une heure ou deux ; je ne perdrai pas de vue la malade, et si le moment se présente, fût-ce plus tôt que je ne pense, j’agirai ; mais dans la crise présente, l’état du pouls ne me permet pas de rien préciser.

— Vous nous restez donc ? Béni soyez-vous, excellent docteur !

— Du moment que mon adversaire est le jeune comte, dit le docteur en souriant d’un air de pitié protectrice, je ne m’étonne plus de rien, et je laisse dire. »

Il allait rentrer dans la chambre de Consuelo, dont le chapelain avait poussé la porte pour qu’Albert n’entendît pas ce colloque, lorsque le chapelain lui-même, pâle et tout effaré, quitta la malade et vint trouver le docteur.

« Au nom du ciel ! docteur, s’écria-t-il, venez employer votre autorité ; la mienne est méconnue, et la voix de Dieu même le serait, je crois, par le comte Albert. Le voilà qui s’obstine à saigner la moribonde, malgré votre défense ; et il va le faire si, par je ne sais