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consuelo.

nez-la-moi tout de suite, car je ne puis me reposer davantage ; il faut que je marche encore, et encore, comme le Juif errant, jusqu’à ce que j’aie obtenu justice.

— Oh ! ma bonne femme, ma pauvre femme ! s’écria Consuelo en serrant la pauvresse dans ses bras, et en pleurant de joie et de compassion ; courage, courage ! Espérez, tranquillisez-vous, votre mari est délivré. Il galope vers Vienne sur un bon cheval, avec une bourse bien garnie dans sa poche.

— Qu’est-ce que vous dites ? s’écria la femme du déserteur dont les yeux devinrent rouges comme du sang, et les lèvres tremblantes d’un mouvement convulsif. Vous le savez, vous l’avez vu ! Ô mon Dieu ! grand Dieu ! Dieu de bonté !

— Hélas ! que faites-vous ? dit Joseph à Consuelo. Si vous alliez lui donner une fausse joie ; si le déserteur que nous avons contribué à sauver était un autre que son mari !

— C’est lui-même, Joseph ! Je te dis que c’est lui : rappelle-toi, le borgne, rappelle-toi la manière de procéder du Pistola. Souviens-toi que le déserteur a dit qu’il était père de famille, et sujet autrichien. D’ailleurs il est bien facile de s’en convaincre. Comment est-il, votre mari ?

— Roux, les yeux verts, la figure large, cinq pieds huit pouces de haut ; le nez un peu écrasé, le front bas ; un homme superbe.

— C’est bien cela, dit Consuelo en souriant : et quel habit ?

— Une méchante casaque verte, un haut-de-chausses brun, des bas gris.

— C’est encore cela ; et les recruteurs, avez-vous fait attention à eux ?

— Oh ! si j’y ai fait attention, sainte Vierge ! Leurs