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consuelo.

— La bonne fortune est pour moi, reprit l’aimable chanoine ; et vous allez me chanter… Mais non, ce serait trop d’égoïsme de ma part ; vous êtes fatigués, à jeun peut-être… Vous allez souper d’abord, puis passer une bonne nuit dans ma maison, et demain nous ferons de la musique ; oh ! de la musique toute la journée ! André, vous allez mener ces jeunes gens à l’office, et vous en aurez le plus grand soin… Mais non, qu’ils restent ; mettez-leur deux couverts au bout de ma table, et qu’ils soupent avec moi. »

André obéit avec empressement, et même avec une sorte de satisfaction bienveillante. Mais dame Brigide, montra des dispositions tout opposées ; elle hocha la tête, haussa les épaules, et grommela entre ses dents :

« Voilà des gens bien propres pour manger sur votre nappe, et une singulière société pour un homme de votre rang ! »

« Taisez-vous, Brigide, répondit le chanoine avec calme. Vous n’êtes jamais contente de rien ni de personne ; et dès que voyez les autres prendre un petit plaisir, vous entrez en fureur.

— Vous ne savez quoi imaginer pour passer le temps, reprit-elle sans tenir compte des reproches qui lui étaient adressés. Avec des flatteries, des sornettes, des flonflons, on vous mènerait comme un petit enfant !

— Taisez-vous donc, dit le chanoine en élevant un peu le ton, mais sans perdre son sourire enjoué ; vous avez la voix aigre comme une crécelle, et si vous continuez à gronder, vous allez perdre la tête et manquer mon café.

— Beau plaisir ! et grand honneur, en vérité, dit la vieille, que de préparer le café à de pareils hôtes !

— Oh ! il vous faut de hauts personnages à vous ! Vous aimez la grandeur ; vous voudriez ne traiter que des