Page:Sand - Contes d’une grand’mère, 1906.djvu/28

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Ainsi se passa l’hiver, qui fut très-doux, et l’été suivant, qui fut chaud et orageux. Emmi eut d’abord grand’peur du tonnerre car la foudre frappa plusieurs fois des arbres assez proches du sien ; mais il remarqua que le chêne parlant, ayant été écimé longtemps auparavant et s’étant refait une cime en parasol, n’attirait plus le fluide, qui s’attaquait à des arbres plus élevés et de forme conique. Il finit par dormir aux roulements et aux éclats du tonnerre sans plus de souci que la chouette sa voisine.

Dans cette solitude, Emmi, absorbé par le soin incessant d’assurer sa vie et de préserver sa liberté, n’eut pas le temps de connaître l’ennui. On pouvait le traiter de paresseux, il savait bien, lui, qu’il avait plus de mal à se donner pour vivre seul que s’il fût resté à la ferme. Il acquérait aussi plus d’intelligence, de courage et de prévision que dans la vie ordinaire. Pourtant, quand cette vie exceptionnelle fut réglée à souhait et qu’elle exigea moins de temps et de souci, il commença à réfléchir et à sentir sa petite conscience lui adresser certaines questions em-