Page:Sand - Contes d’une grand’mère, 1906.djvu/34

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« — Je suis venue au monde loin d’ici, pauvre comme toi et orpheline. J’ai été élevée dans la misère et les coups. J’ai gardé aussi les cochons, et, comme toi, j’en avais peur. Comme toi, je me suis sauvée ; mais, en traversant une rivière sur un vieux pont décrépit, je suis tombée à l’eau d’où on m’a retirée comme morte. Un bon médecin chez qui on m’a portée m’a fait revenir à la vie ; mais j’étais idiote, sourde, et ne pouvant presque plus parler. Il m’a gardée par charité, et, comme il n’était pas riche, le curé de l’endroit a fait des quêtes pour moi, et les dames m’ont apporté des habits, du vin, des douceurs, tout ce qu’il me fallait. Je commençais à me porter mieux, j’étais si bien soignée ! Je mangeais de la bonne viande, je buvais du bon vin sucré, j’avais l’hiver du feu dans ma chambre, j’étais comme une princesse, et le médecin était content. Il disait :

» — La voilà qui entend ce qu’on lui dit. Elle retrouve les mots pour parler. Dans deux ou trois mois d’ici, elle pourra travailler et gagner honnêtement sa vie.