Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/103

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l’espoir des familles, l’orgueil des mères, une série de marmots presque tous beaux, car il ne faut pas oublier qu’Arles est le pays de la beauté.

Diane montrait un aplomb extraordinaire, mais c’était un rôle que la pauvre enfant jouait par devoir. Au fond, elle se croyait trop ignorante pour bien faire, et invoquait encore, toute grande personne qu’elle était, l’assistance miraculeuse de sa mère, la belle muse, car ces deux types n’en faisaient plus qu’un dans sa pensée.

La première fois qu’elle se risqua, elle chercha, la veille, dans son secrétaire, une vieille relique qu’elle n’avait pas regardée depuis longtemps, la petite tête de Bacchus enfant trouvée à Pictordu ; elle avait depuis ce temps, appris à s’y connaître, et elle la trouva encore plus charmante qu’elle ne lui avait semblé l’être. Cher petit Dieu, lui dit-elle, c’est toi aussi qui m’as révélé la vie dans l’art. Inspire-moi, à présent ! Enseigne-moi ce secret de vérité qu’un grand artiste inconnu a mis en toi. Je consens à être ignorée comme lui, si comme lui, je laisse quelque chose de beau comme toi.

Diane ne se permettait pas encore la peinture, elle commença par le pastel qui était fort à la mode en ce temps-là, et, du premier coup, elle en fit un si remarquable et si charmant qu’il en fut parlé à vingt lieues à la ronde. Dès lors la clientèle lui arriva en même temps qu’elle revenait à son père. Les familles nobles ou bourgeoises aimaient à se rencontrer dans cet atelier si décent où le père et la fille travaillaient ensemble, l’un causant avec esprit de gaieté, après