Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/134

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nom mille fois répété par des millions de petites voix : Margot, Margot, Margot, Margot, Margot ! Elle ne put s’empêcher de leur répondre : — Qu’est-ce qu’il y a ? que me voulez-vous ?

Alors toutes les bestioles, lézards, salamandres, araignées d’eau, nautonectes, alcyons, libellules, se mirent à parler tous ensemble sans cesser de gambader, de glisser, de plonger, de voler et de danser follement, répétant : Margot, Margot, sur tous les tons, au point que Marguerite en fut assourdie. — Voyons, dit-elle en se bouchant les oreilles, si vous voulez parler, ne parlez qu’un à la fois, et faites comprendre ce que vous me demandez.

Alors il se fit un grand silence, toutes les bêtes cessèrent de remuer, le soleil se voila de nouveau, et, les roseaux s’écartant comme si ce fût sous les pas d’une personne, Marguerite vit apparaître en face d’elle une superbe grenouille verte tigrée de noir, mais si grosse, si grosse, qu’elle n’en avait jamais vu de pareille, et qu’elle en eut peur.

— Ne crains rien, si tu as de bonnes intentions, lui dit la grenouille d’une voix qui résonnait comme un battoir ; sache que, si tu es une petite demoiselle assez puissante sur cette terre, je suis, dans ces eaux et dans ces herbes, une grande reine omnipotente, la reine Coax ! Je te connais fort bien. J’ai longtemps demeuré sous ta fenêtre, dans les fossés de ton vieux manoir. Dans ce temps-là, je commandais à un grand peuple dont j’étais la mère, et nous t’aimions parce que tu nous aimais. Nous avions remarqué ta ressemblance avec nous, et nous te consi-