Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/136

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arrêtée par le bord de sa jupe, et, en se retournant, elle vit derrière elle le beau Névé, qui était le plus grand et le mieux apprivoisé de ses cygnes. Il était son favori et portait un collier d’or. Aussitôt le charme que la grenouille avait jeté sur elle se dissipa, et elle s’effraya de se voir au milieu de l’eau, en pleine nuit, car le soleil était couché, le ciel était couvert d’épaisses nuées, et elle ne savait plus où poser le pied pour sortir du marécage. — Ah ! mon cher Névé, dit-elle au cygne en le caressant, comment as-tu fait pour venir me trouver ici, et comment vais-je en sortir ?

Le cygne reprit le bas de sa jupe et se remit à la tirer de toute sa force. Elle le suivit à tout risque et trouva du sable et des pierres sous ses pieds. Elle put donc sortir du marécage ; mais à peine fut-elle dehors, qu’elle ne vit plus le cygne. Elle l’appela en vain, elle fit le tour, elle se hasarda encore sur l’îlot, elle invoqua la grenouille pour qu’elle lui dît où le cygne avait passé. Tout fut muet, et la nuit devenait toujours plus sombre. — Est-ce que j’aurais fait un rêve ? se dit-elle, ou bien Névé m’a-t-il devancée au château ?

Elle prit le parti d’y revenir en courant, et aussitôt qu’elle se fut montrée à sa grand’mère, elle alla voir si Névé était rentré ; mais elle ne le trouva ni dans la cabane, ni dans le jardin, ni dans les cours du château, ni à la ferme, et elle en conçut une grande inquiétude.

Sa grand’mère en avait eu une plus grande encore. Marguerite la rassura en lui disant qu’elle s’était ou-