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Colette ; le voilà cardé, fais-en du fil, et vite, et vite ! je le veux !

Catherine reprit sa quenouille, et fila en fermant les yeux pour ne pas voir l’agonie du pauvre nuage ; elle entendit de faibles plaintes, elle faillit jeter la quenouille et se sauver ; mais ses mains s’engourdirent, ses yeux se troublèrent, et elle se retrouva couchée sur la pierre moussue, à côté de sa tante, qui dormait aussi.



XV


Elle se leva et secoua madame Colette, qui lui dit en l’embrassant : — Eh bien ! nous avons été paresseuses toutes deux, nous avons dormi l’une et l’autre. Est-ce que tu as rêvé quelque chose ?

— Oh ! oui, ma tante ; j’ai rêvé que je filais aussi bien que vous ; mais ce que je filais, hélas ! c’était mon nuage rose !

— Eh bien ! mon enfant, sache qu’il y a longtemps que j’ai filé le mien. Le nuage rose, c’était mon caprice, ma fantaisie, mon mauvais destin. Je l’ai mis sur ma quenouille, et le travail, le beau et bon travail, a fait de l’ennemi un fil si léger que je ne l’ai plus senti. Tu feras comme moi : tu ne pourras pas empêcher les nuages de passer ; mais tu auras fait provision de courage. Tu les saisiras, tu les carderas, et tu les fileras si bien qu’ils ne pour-