Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/216

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pas naturellement brave, Clopinet ne s’éloignait guère de la maison et ne faisait rien pour accorder son courage avec sa curiosité. Un jour que l’oncle marin était venu voir la famille et que Clopinet parlait d’aller voir la mer avec lui, si son papa voulait bien le permettre :

— Toi ? dit le père Doucy en riant : tais-toi donc ! tu ne sais pas marcher et tu as peur de tout. Ne vous embarrassez jamais de ce gamin-là, beau-frère ! c’est un malingre et un poltron. L’an dernier, il s’est caché tout un jour dans les fagots, parce qu’il a passé un ramoneur un peu barbouillé qu’il a pris pour le diable. Il ne peut pas voir sans crier le tailleur qui vient faire nos habits, parce qu’il est bossu. Un chien qui grogne, une vache qui le regarde, une pomme qui tombe, le voilà qui s’envole. On peut bien dire que c’en est un qui est venu au monde avec des ailes de la peur attachées aux épaules.

— Ça passera, ça passera, répondit l’oncle Laquille, — c’était le nom du marin ; quand on est enfant, on a des ailes de peur ; plus tard, il vous en pousse d’autres.

Ces paroles étonnèrent beaucoup le petit Clopinet. — Je n’ai point d’ailes, dit-il, mon papa se moque ! mais peut-être qu’il m’en pousserait, si j’allais sur la mer !

— Alors, reprit le père Doucy, ton oncle devrait en avoir ? Dis-lui donc de te les montrer !

— J’en ai quand il en faut, reprit le marin d’un air modeste ; mais ce sont des ailes de courage pour voler au danger.