Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/217

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Clopinet trouva ces paroles très-belles, et ne les oublia jamais ; mais le père Doucy rabattit l’orgueil de son beau-frère en lui disant : — Je ne dis point que tu n’aies pas ces ailes-là quand il faut faire ton devoir ; mais quand tu rentres à la maison, tu n’en es plus si fier, ta femme te les coupe !

Le père Doucy disait cela parce que la mère Laquille gouvernait le ménage, tandis qu’au contraire la mère Doucette était très-bien nommée et tout à fait soumise à son mari.

À cause de cela, cette bonne femme n’osait point encourager les idées de Clopinet, dont le père ne voulait pas entendre parler. Il disait que le métier de marin était trop dur pour un garçon qui avait une jambe plus faible que l’autre ; il disait pourtant aussi que Clopinet, malgré sa bonne santé, ne serait jsmais un homme assez solide pour bêcher la terre et qu’il fallait lui faire apprendre l’état de tailleur, qui est un bon état dans les campagnes.

Aussi, un jour que le tailleur était venu dans la famille, comme il avait coutume de venir tous les ans, le père Doucy lui dit : — Tire-à-gauche, mon ami, — on appelait ainsi le tailleur parce qu’il était gaucher et tirait l’aiguille au rebours des autres, — nous n’avons pas d’ouvrage à te donner cette année ; mais voilà un petit qui aurait bonne envie d’apprendre ton état. Je te paierai quelque chose pour son apprentissage, si tu veux être raisonnable et te contenter de ce que je t’offrirai. Dans un an d’ici, il pourra t’aider, faire tes commissions, être enfin ton petit serviteur et gagner chez toi sa nourriture.