Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/228

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tion que suivaient les esprits voyageurs. Emporté dans l’air grisâtre, il crut voir distinctement des petites flèches noires qui volaient devant lui ; mais bientôt il ne vit plus rien que du brouillard et il appela en vain pour qu’on l’attendît. Les voix avançaient toujours, pleurant toutes ensemble, mais allant plus vite que lui et se perdant à travers la nue. Alors Clopinet sentit ses ailes se fatiguer, son vol s’appesantir, et il descendit, descendit, sans tomber, mais sans pouvoir s’arrêter, jusqu’au pied de la dune. Dès qu’il toucha la terre, il agita ses bras, et s’imagina que c’était toujours des ailes qui pourraient repartir quand il ne serait plus fatigué. Au reste, il n’eut pas le loisir de s’en tourmenter, car ce qu’il voyait l’occupait tellement qu’il ne songeait presque plus à lui-même.

La nuit était toujours voilée, mais pas assez sombre pour l’empêcher de distinguer les objets qui n’étaient pas très-éloignés. Il était assis sur un sable très-fin et très-doux, parmi de grosses boules rondes et blanchâtres qu’il prit d’abord pour des pommiers en fleurs. En regardant mieux et en touchant celles qui étaient près de lui, il reconnut que c’était de grosses roches pareilles à celles qu’il avait vues sur le haut des dunes, et qui avaient glissé, il y avait peut-être longtemps, jusque sur la plage.

C’était une belle plage, car en cet endroit-là la mer venait chaque jour jusqu’au pied de la dune balayer la boue qui tombait de cette montagne marneuse. Le sable était d’ailleurs lavé en mille endroits par de petits filets d’eau douce qui filtrait le long de