Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/231

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C’était la mer, il la voyait, il la touchait enfin ! Elle n’était pas bien grande, car au-delà de cinq ou six lames il ne voyait plus rien qu’une bande noire perdue dans la brume. Elle n’avait rien de méchant, elle devait bien savoir qu’il avait toujours souhaité de vivre avec elle. Sans doute elle était raisonnable, car l’oncle marin parlait souvent d’elle comme d’une personne majestueuse et respectable. Cela fit songer à Clopinet qu’il ne l’avait pas encore saluée, et que ce n’était point honnête. Tout appesanti par le sommeil qui le gagnait, il souleva poliment son bonnet de laine, et, laissant retomber sa tête sur son bras gauche étendu, il s’endormit en tenant toujours son bonnet dans la main droite.



III


Cependant, au bout de deux heures, il fut réveillé par un bruit singulier. La mer battait le rocher avec tant de force qu’il paraissait trembler, et même Clopinet ne vit plus de rocher ; il vit un gros ourlet d’écume tout autour de lui. La marée était haute, et l’enfant ne comprenait rien à ce qui lui arrivait. Il voulut se sauver du côté par où il était venu, mais il y avait autant d’eau d’un côté que de l’autre, et toutes les roches noires avaient absolument disparu. Le flot montait jusqu’au pied des roches blanches, et semblait vouloir monter encore plus haut. Clopinet