Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/263

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Clopinet, on l’a vu, ne tenait pas à l’argent blanc. Il doubla le pas, et pendant que le boulanger le cherchait d’un côté, il se sauva de l’autre et retourna vers son désert.

Cette aventure lui donnait bien à penser. — Pourquoi donc, se disait-il, ces plumes de roupeau, puisque roupeau il y a, sont-elles si précieuses ? comment est-il possible que des plumes d’oiseau puissent valoir un louis d’or la pièce ? J’aurais cru que cela ne pouvait servir que d’amusette à se mettre sur la tête, et voilà que, si j’avais demandé au boulanger de me nourrir pendant un an, il aurait peut-être dit oui pour avoir mes trois plumes !

N’ayant pas encore connu la misère, Clopinet n’était pas intéressé. Il était bien plus sensible au plaisir de posséder une chose rare qui avait peut-être une vertu merveilleuse, inconnue. Comme il était absorbé par ces réflexions et suivait, sans plus se méfier de rien, le chemin du milieu des dunes, il entendit derrière lui une voix aigre et criarde qui disait : — Vous dites qu’il a pris par là ; soyez tranquille, je le rattraperai bien, et s’il ne veut pas vendre ses plumes, je les lui arracherai ; comme ça nous les aurons pour rien et c’est la meilleure manière de faire les affaires.

Cette voix était encore loin, mais elle était si perçante qu’elle portait à bonne distance, et comme elle était de celles qu’on n’oublie pas, Clopinet reconnut que le tailleur en personne était à sa poursuite. Tout aussitôt ses ailes de peur l’emportèrent bien loin du chemin dans les buissons ; mais, quand il fut là, il se