Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/292

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erreur ; mais tout à coup, voyant que le baron bâillait, prenait force prises de tabac et s’ennuyait de faire le professeur avec un ignorant : — Mon bon seigneur, lui dit-il, c’est encore trop tôt pour que j’entre à votre service, vous n’aurez point de plaisir à m’instruire. Il faut que je sois en état de m’instruire tout seul, et pour cela il me faut savoir lire. Laissez-moi aller chez M. le curé, c’est son métier d’avoir de la patience ; quand je saurai, je reviendrai chez vous.

— Non pas, non pas ! dit le baron, tu n’iras pas chez le curé. Mon valet de chambre est assez instruit, il t’instruira.

Le valet de chambre lisait couramment, il avait une bonne écriture et savait assez de français pour écrire une lettre passable sous la dictée de M. le baron, qui était savant et bel esprit, mais qui était de trop bonne maison pour connaître l’orthographe ; ce n’était pas la mode en ce temps-là pour les gens du grand monde. M. de La Fleur, c’était le nom du valet de chambre, fit donc le maître d’école avec le petit paysan, tout en rechignant un peu et en y mettant fort peu de patience. Il faut de la patience avec la plupart des enfants ; mais pour ceux qui ont comme Clopinet une grande ardeur au travail et qui craignent de voir l’occasion s’échapper, un professeur indolent ou irritable convient assez ; Clopinet fit des efforts de grande volonté pour ne point lasser la médiocre volonté de M. de La Fleur, et au bout d’un an il sut lire, écrire et compter aussi bien que lui.