Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/296

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pinet lui baisa les mains en lui disant que, déshérité ou non, il l’aimerait toujours autant et lui resterait dévoué, mais qu’il mourrait s’il demeurait enfermé comme il l’était depuis trois ans, qu’il était de la nature des oiseaux et qu’il lui fallait l’espace et la liberté, fût-ce au prix de toutes les misères.

Le baron, voyant qu’il n’y pouvait rien, se résigna et le congédia avec bonté en lui payant ses gages et en y ajoutant un joli cadeau. Clopinet refusa le cadeau en argent et demanda au baron de lui donner une longue-vue portative et quelques outils. Le baron les lui donna et l’obligea de garder aussi l’argent.

Alors Clopinet, le voyant si bon, se jugea véritablement ingrat, et, se jetant à ses pieds, il renonça à tous ses rêves ; il demanda seulement huit jours de congé, jurant de revenir et de faire tout son possible pour s’habituer à la vie de château, que son protecteur lui faisait si douce. Le baron attendri l’embrassa, et le munit de tout ce qui lui était nécessaire pour une tournée de huit jours.

Par une belle matinée de printemps, Clopinet, après avoir donné une journée à ses parents, partit seul pour la grande falaise. Il avait été si assidu au travail que lui confiait le baron et si acharné à s’instruire avec le curé, qu’il ne s’était jamais permis de perdre une heure en promenade pour son plaisir. Il n’avait donc pas revu les Vaches-Noires, et il était impatient de s’assurer de près des ravages que la mer avait dû faire en son absence. On avait parlé chez le baron et chez l’apothicaire d’éboulements considérables ; mais, comme du belvédère, Clopinet