Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/369

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aller, et fit un pas vers la digue où je le voulais parquer.

Ma mère vint me voir un dimanche avec mes sœurs. J’avais déblayé entièrement la place où mon père avait été brisé ; l’herbe, assainie par une rigole, y poussait au mieux, et de belles ancolies bleues se miraient dans le filet d’eau. J’avais planté une croix de bois à l’endroit même de l’accident et j’y avais établi un banc de pierre. Ma mère fut très-touchée de ce soin, elle pria et pleura à cette place, et, regardant ensuite notre petit domaine, dont un bon quart était nettoyé et bien verdoyant, elle m’avoua qu’elle ne s’attendait pas à me voir si avancé ; mais quand, après s’être un peu reposée, elle entra dans la partie plus épaisse du dégât, quand elle vit tout ce qui me restait à faire, elle fut effrayée et me supplia de me contenter de ce qui était fait. — Tu peux, dit-elle, louer ce bout de pâturage à tes voisins d’en bas, à présent qu’il a une petite valeur. Ce sera une mince ressource, mais cela vaudra mieux qu’une folle dépense.

Je ne cédais pas ; ma mère se fâcha un peu et me menaça de ne plus m’avancer d’argent. Maguelonne, qui commençait à être une grande fille, pleura à ma place. Elle prenait mon parti, elle m’approuvait. Elle eût voulu être garçon et avoir la force de m’aider. Rien ne lui semblait plus-beau que les hauteurs ; elle jurait de ne se jamais marier dans une ville. Elle n’avait jamais oublié sa montagne ; c’est là qu’elle rêvait de retourner vivre dès qu’elle en trouverait le moyen. La petite Myrtile ne disait rien,