Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/38

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mais ce n’était plus l’endroit inculte et sauvage qu’elle avait traversé pour entrer dans le château. C’était un parterre aux sentiers sablés en manière de mosaïque avec des petits cailloux de diverses couleurs, et des corbeilles où mille dessins étaient tracés avec des fleurs, à l’imitation d’un riche tapis. Les statues chantaient un beau cantique en l’honneur de la lune, et Diane souhaita voir la déesse dont on lui avait donné le nom. Elle parut aussitôt en forme de nuage argenté dans le ciel. Elle était grande, grande, et tenait un arc très-brillant. Par moments elle devenait plus petite, et puis si petite qu’on eût dit d’une hirondelle ; elle se rapprochait et devenait grande. Diane se lassa de la suivre des yeux et dit à la fée :

— À présent, je voudrais t’embrasser.

— C’est-à-dire que tu veux dormir ? dit la fée en la prenant dans ses bras. Eh bien dors ; mais quand tu seras éveillée, n’oublie rien de ce que je t’ai fait voir.

Diane s’endormit profondément et, quand elle ouvrit les yeux, elle se retrouva couchée dans l’auge de marbre, tenant dans sa main la petite main de sa poupée. L’aube bleuâtre avait remplacé la lune bleue. M. Flochardet était levé et avait ouvert son nécessaire de voyage. Il se faisait tranquillement la barbe, car, dans ce temps-là, un homme du monde, dans quelque situation qu’il se trouvât, eût rougi de n’être pas rasé de frais dès le matin.