Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/43

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pour toi, si tu as encore le goût de gâcher du papier.

Elle chercha et prit cet album, tailla le crayon avec son petit couteau de poche et se mit à copier la nymphe à la robe verte que le soleil du matin éclairait d’une fraîche lumière ; et alors elle remarqua que cette figure ne dansait point ; elle passait majestueusement, marquant peut-être la mesure d’un pas moelleux, mais sans se trémousser, car ses deux pieds posaient sur le nuage qui la portait, et ses mains, enlacées à celles de ses sœurs, ne les tiraient point pour activer le mouvement de la ronde. C’est peut-être une muse, pensa Diane, qui n’avait point oublié sa mythologie, bien que toutes ces fables profanes fussent proscrites du couvent.

Tout en rêvant, Diane dessinait, dessinait ; mécontente de sa première copie, elle en fit une seconde, et puis une autre, et une autre, jusqu’à ce que l’album fut à moitié rempli. Et quand elle en fut là, elle n’était pas contente encore ; elle allait continuer, lorsqu’une petite main se posa sur son épaule. En se retournant avec vivacité, Diane vit derrière elle une fillette d’environ dix ans, assez pauvrement mise, mais jolie et bien faite, qui regardait son dessin et lui dit d’un air moqueur :

— Vous vous amusez donc à faire des bonnes femmes sur les livres, vous ?

— Oui, répondit Diane ; et vous ?

— Moi, non ! jamais. Mon père me le défend. Je ne gâte pas ses livres.

— Mon papa m’a donné celui-ci pour m’amuser, reprit Diane.