Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/45

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d’un air triste et hautain, des couleuvres, des chauve-souris et des orties. Vous n’avez que faire de vous moquer. Je sais que nous avons perdu la fortune de nos ancêtres et que nous sommes forcés de vivre comme des petits gentilshommes de campagne. Mais mon papa m’a appris que cela ne nous rabaissait pas, parce que personne ne peut faire que nous ne soyons pas les seuls vrais Pictordu.

Diane comprenait de moins en moins les idées et le langage de cette demoiselle. Elle lui demanda ingénument si elle était la fille de la Dame au voile.

Cette question parut irriter beaucoup la jeune châtelaine.

— Apprenez, répondit-elle sèchement, que la Dame au voile n’existe pas et qu’il n’y a que des ignorants et des fous, qui puissent croire à de pareilles sottises. Je ne suis pas la fille d’un fantôme, ma mère était d’aussi bonne maison que mon père.

Diane se sentant trop ignorante pour lui répondre, ne répondit pas, et son père vint lui dire de se préparer au départ. La voiture était réparée. Le marquis de Pictordu exigeait que le peintre acceptât son dîner. Dans ce temps-là on dînait à midi. La maison neuve du marquis était à la sortie du ravin sur la route de Saint-Jean-Gardonenque. De temps en temps, ce marquis venait se promener dans les ruines du manoir de ses aïeux, et, ce jour-là, s’y étant rendu par hasard, il s’était montré très-aimable et très-hospitalier pour les voyageurs qu’un accident y avait retenus.

Flochardet engagea tout bas Diane à mettre une