Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/98

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a une autre solution, mais elle est bien grave. Je puis acheter pour toi au moins la maison de ville de ton père et tous les objets d’art de la maison de campagne. Je puis donc te mettre à même de lui conserver son domicile, ses habitudes et son bien-être, car vous pouvez louer une partie de cette maison qui est grande et vous en faire une petite rente pour subvenir à vos besoins. Mais voici ce qui arrivera : madame Laure reviendra chez son mari et elle s’arrangera pour te chasser de chez toi par ses tracasseries. Tu ne supporteras pas cette lutte que tu n’as jamais voulu engager, tu me reviendras, ce dont je serai fort content ; mais ton père retombera sous le joug, les dettes recommenceront, car on ne vivra pas avec la petite rente que fourniront les loyers. Alors, tu abandonneras la propriété pour sauver l’honneur de ton nom, ton père sera tout aussi ruiné qu’aujourd’hui, et toi, tu le seras à tout jamais, car la dot que je voulais te constituer aura passé à payer les cotillons à falbalas de ta belle-mère. Tu n’ignores pas que je veux partager ma fortune entre toi et mon neveu. Ce que ton père doit équivaut, à peu de chose près, à la moitié de mon avoir. Donc, si je sauve ton père, je sacrifie ton avenir, cela est aussi certain que deux et deux font quatre.

— Sacrifiez-le ! il faut le sacrifier ! répondit Diane avec un ton d’autorité comme si elle eût été une de ces fières déesses dont elle avait le profil pur et la belle tournure. Vous ne m’aviez jamais dit ce que vous vouliez faire pour moi : à présent que je le sais, je me tranquillise, mon père est sauvé. Vous ne pouvez