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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

dans toutes les positions. Ne jugez-vous pas un peu sévèrement des torts passagers ? Il est vrai, vous pardonnez aisément et vous oubliez vite ; mais ne condamnez-vous pas quelquefois un peu à la hâte ?

Pour moi, ma chère maman, la liberté de penser et d’agir est le premier des biens. Si l’on peut y joindre les petits soins d’une famille, elle est infiniment plus douce ; mais où cela se rencontre-t-il ? Toujours l’un nuit à l’autre, l’indépendance à l’entourage ou l’entourage à l’indépendance. Vous seule pouvez savoir lequel vous aimeriez mieux sacrifier. Moi, je ne sais pas supporter l’ombre d’une contrainte, c’est là mon principal défaut. Tout ce qu’on m’impose comme devoir me devient odieux ; tout ce qu’on me laisse faire de moi-même, je le fais de tout mon cœur. C’est souvent un grand malheur d’être ainsi fait, et mes torts, quand j’en ai, viennent tous de là.

Mais peut-on changer sa nature ? Si vous aviez beaucoup d’indulgence pour ce travers, vous m’en trouveriez bientôt corrigée sans savoir comment. On l’augmente en moi, en me le reprochant sans cesse ; et cela, je vous jure que ce n’est point esprit de contradiction, c’est penchant involontaire, irrésistible. Vous me connaissez fort peu, j’ose le dire, ma chère maman. Il y a bien des années que nous n’avons vécu ensemble, et souvent vous oubliez que j’ai vingt-sept ans, que mon caractère a dû subir bien des changements depuis ma première jeunesse.

Vous me supposez surtout un amour du plaisir, un