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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Allons donc ! Il faudrait que tout votre sang y passât, ou celui de votre provocateur.

Croyez-vous que je n’aie pas de dignité personnelle à défendre parce que je suis femme ? Allons donc, encore ! Souvenez-vous d’avoir prêché l’affranchissement de la femme.

Nous ne savons pas faire des armes, et on ne nous permet pas de provoquer nos maris en duel ; on a bien raison, ils nous tueraient, ce qui leur ferait trop de plaisir.

Mais nous avons la ressource de crier bien haut, d’invoquer trois imbéciles en robe noire, qui font semblant de rendre la justice, et qui, en vertu de certaine bonté de législation envers les esclaves menacées de mort, daignent nous dire : « On vous permet de ne plus aimer monsieur votre maître, et, si la maison est à vous, de le mettre dehors. »

Malgré tout ce que je vous dis là, par bonté pour monsieur mon époux, je fais tenir l’affaire aussi secrète que possible. Jusqu’ici, rien n’a transpiré, même dans la petite ville que j’habite, ce qui est merveilleux. Cela ira tant que cela pourra. N’en parlez donc à qui que ce soit.

Bonsoir, mon ami ; je vous embrasse de tout mon cœur ; je suis bien fâchée que vous n’ayez pas le plus petit fait à rapporter comme témoin ; car l’enquête va réunir une vingtaine d’amis autour de moi. Grâce à Duteil, à Planet et à votre serviteur, il sera impossible d’être plus spirituel que ne le sera cette char-