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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

soupçons qui se dirigeraient sur nous si nous ne gardions le secret sur notre génie poétique, car nous en pinçons. Il a pu, à Paris, vous chanter des complaintes de notre façon ; que vous en semble ? Nous avons tant d’esprit, que nous en sommes zonteux nous-mêmes. Nous avons montré la susdite chanson à M. et madame de Périgny, qui en ont beaucoup ri et nous ont autorisés à la répandre clandestinement, à condition qu’ils ne soient pas reconnus en avoir eu connaissance.

Voyez-vous d’ici la bonne figure qu’ils vont faire, et vous aussi, quand, d’un air piteux, on viendra vous raconter qu’un libelle impertinent, arme à deux tranchants, et dans lequel nous sommes particulièrement maltraités, circule dans la ville ? Voyez-vous l’air de philosophie et de générosité avec lequel nous témoignerons notre mépris de cet outrage ? J’oubliais de vous dire qu’à la seconde soirée il n’est venu personne que ce maître de musique, Casimir et moi ; la chanson, d’ailleurs, vous l’apprendra ; mais vous saurez que j’avais l’honneur de faire partie des trois invités qui font une si pauvre figure à la fin du dernier couplet. Nous attendons à demain pour voir si la cabale continue. Moi, je n’en aurai pas le démenti, et j’irai pour voir. Vous voilà au courant des cancans.

J’écrirai à Félicie quand je pourrai. En attendant, dites-lui que je l’embrasse, que je ne me soucie guère d’apprendre les modes, qu’il me suffit qu’elle se porte bien et ne m’oublie pas. Au reste, je lui