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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Rollinat par émulation. Il a trouvé le caméléopard girafé, et bien d’autres. Tu vois qu’il cultive toujours le style fleuri et la métaphore plantureuse.

Balzac est venu dîner avant-hier. Il est tout à fait fou. Il a découvert la rose bleue, pour laquelle les sociétés d’horticulteurs de Londres et de Belgique ont promis cinq cent mille francs de récompense (qui dit, dit-il). Il vendra, en outre, chaque graine cent sous, et, pour cette grande production botanique, il ne dépensera que cinquante centimes. Là-dessus, Rollinat lui dit naïvement :

— Eh bien, pourquoi donc ne vous y mettez-vous pas tout de suite ?

À quoi Balzac a répondu :

— Oh ! c’est que j’ai tant d’autres choses à faire ! mais je m’y mettrai un de ces jours.

Nous avons été voir la Méduse, dont Delacroix nous avait tant parlé ; c’est en effet un beau mélodrame. Le décor et la mise en scène des deux derniers actes sont superbes. La scène du radeau fait vraiment illusion, et rend jusqu’à la couleur de Géricault d’une manière étonnante. Je voudrais bien qu’on le donnât encore quand tu reviendras.

Voilà tout ce que nous avons vu depuis ma dernière lettre ; je passe toutes mes nuits sur le Tour de France[1], qui touche à sa fin.

Bonsoir, mon Bouli. Il fait en ce moment un orage

  1. Le Compagnon du tour de France.