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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

tion nous a surmonté par la force des circonstances extérieures, indépendantes de notre volonté.

On se réconcilie alors avec soi-même, on se soumet au jugement des hommes et à la volonté de Dieu ; c’est alors qu’on cesse d’être personnel et que la vie des autres reprend, à nos yeux, sa véritable importance, son effet salutaire et doux. Il est vrai que, pour arriver en vieillissant à cet oubli de l’individualisme excessif, qui est le stimulant et le tourment de la jeunesse, il faut pouvoir se rappeler qu’on a été très sincère, et très ferme dans ses bonnes intentions.

Donc, quand je dis que vous serez tranquille sur vos vieux jours, je ne vous fais pas d’insulte et je ne traite pas avec mépris votre mal présent. Je ne crois pas à l’heureuse vieillesse des vilaines gens. Je pense, au contraire, que leur âme va toujours s’aigrissant et que leur enfer est en ce monde. Vous me direz que le monde n’est peuplé que de ces gens-là. Eh ! mon Dieu, je l’ai cru, je l’ai dit de même, tant qu’il a été en leur pouvoir de me faire souffrir. Et pourquoi avaient-ils ce pouvoir ? c’est que je le leur donnais par la susceptibilité de mon amour-propre. Je ne pensais qu’à me battre avec eux, et guère à les plaindre ; la pitié vient quand l’orgueil s’en va, elle change le point de vue, et, si elle rend parfois plus triste encore, c’est une tristesse douce et où l’espérance vient trouver place. N’allez pas me croire douce, bonne et tendre pour avoir pensé et dit cela. C’est encore chez moi à l’état de découverte, et, dans la pratique, je ne vaux encore