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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

dans des conditions meilleures, au sein d’une société plus avancée, où nos intentions seront mieux comprises et notre dignité mieux établie.

Je crois à la vie éternelle, à l’humanité éternelle, au progrès éternel ; et, comme j’ai embrassé à cet égard les croyances de M. Pierre Leroux, je vous renvoie à ses démonstrations philosophiques. J’ignore si elles vous satisferont, mais je ne puis vous en donner de meilleures : quant à moi, elles ont entièrement résolu mes doutes et fondé ma foi religieuse.

Mais, me direz-vous encore, faut-il renoncer, comme les moines du catholicisme, à toute jouissance, à toute action, à toute manifestation de la vie présente, dans l’espoir d’une vie future ? Je ne crois point que ce soit là un devoir, sinon pour les lâches et les impuissants. Que la femme, pour échapper à la souffrance et à l’humiliation, se préserve de l’amour et de la maternité, c’est une conclusion romanesque que j’ai essayée dans le roman de Lélia, non pas comme un exemple à suivre, mais comme la peinture d’un martyre qui peut donner à penser aux juges et aux bourreaux, aux hommes qui font la loi et à ceux qui l’appliquent. Cela n’était qu’un poème, et, puisque vous avez pris la peine de le lire (en trois volumes), vous n’y aurez pas vu, je l’espère, une doctrine. Je n’ai jamais fait de doctrine, je ne me sens pas une intelligence assez haute pour cela. J’en ai cherché une, je l’ai embrassée. Voilà pour ma synthèse à moi ; mais je n’ai pas le génie de l’application, et je ne saurais vraiment