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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

mal. Si je le rouvrais de même pour vous sermonner, je vous causerais du découragement, et vous ferais encore du mal. Des lettres de bons procédés, de politesse ou de convenance, je n’en ai pas besoin, ni vous non plus. Je ne sais donc pas pourquoi vous m’écrivez, avec tant de vivacité, des plaintes si douloureuses sur mon silence et mon oubli. Je vois que vous êtes dans une période d’expansion excessive. Vous êtes tout jeune, vous êtes méridional, vous êtes poète, cela s’explique. Eh bien ! mon enfant, faites des vers, de beaux vers. Jetez votre cœur à pleines mains à votre compagne, à votre mère, à vos amis et à vos camarades. Mais, avec moi, si vous voulez que votre attachement vous profite, soyez plus calme, plus sérieux et plus patient ; car j’ai une nature très concentrée, très froide extérieurement, très réfléchie et très silencieuse. Si vous ne me comprenez pas, je ne vous serai bonne à rien. Mon amitié tranquille et rarement expansive vous blessera sans vous convaincre, et je serais pour votre vie une agitation, au lieu d’être un bienfait.

Puisque nous voilà sur ce sujet, j’ai deux reproches à vous faire d’une nature assez délicate, et je veux que vous preniez Désirée pour seule confidente et pour juge, avec votre mère, si vous voulez ; je suis sûre qu’elles ont plus de droiture et de sens qu’aucune dame de nos salons. Voici mes reproches : lisez-les en riant, mais aussi en prenant la résolution de vous observer. C’est une querelle de pure littérature