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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

dites-moi si vous vous sentez la force d’attention pour les lire. Vous êtes jeune et poète. Je les ai lus et compris sans fatigue, moi qui suis femme et romancier. C’est dire que je n’ai pas une bien forte tête pour ces matières.

Pourtant, comme c’est la seule philosophie qui soit claire comme le jour et qui parle au cœur comme l’Évangile, je m’y suis plongée et je m’y suis transformée ; j’y ai trouvé le calme, la force, la foi, l’espérance et l’amour patient et persévérant de l’humanité : trésors de mon enfance, que j’avais rêvés dans le catholicisme, mais qui avaient été détruits par l’examen du catholicisme, par l’insuffisance d’un culte vieilli, par le doute et le chagrin qui dévorent, dans notre temps, ceux que l’égoïsme et le bien-être n’ont pas abrutis ou faussés. Il vous faudrait peut-être un an, peut-être deux, pour vous pénétrer de cette philosophie qui n’est pas bizarre et algébrique comme les travaux de Fourier, et qui adopte et reconnaît tout ce qui est vrai, bon et beau dans toutes les morales et sciences du passé et du présent.

Ces travaux de Leroux ne sont pas volumineux ; quand on les a lus, on a besoin de les porter en soi, d’interroger son propre cœur sur l’adhésion qu’il y donne ; enfin, c’est toute une religion, à la fois ancienne et nouvelle, dont on a besoin de se pénétrer et qu’il faut couver avec tendresse. Bien peu de cœurs s’y sont rendus complètement ; il faut être foncièrement bon et sincère pour que la vérité ne vous offense pas.