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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Enfin, si vous vous sentez cette volonté de comprendre l’humanité et vous-même, vous aurez une tête affermie, de la certitude, et le feu de votre poésie s’y rallumera tout entier. Vous en ferez verbalement l’explication et l’abrégé à Désirée, et vous verrez que son cœur de femme s’y plongera. Je dois vous dire cependant que ce sont des travaux incomplets, interrompus, fragmentés. La vie de Leroux a été trop agitée, trop malheureuse, pour qu’il pût encore se compléter. C’est là ce que ses adversaires lui reprochent. Mais une philosophie, c’est une religion, et une religion peut-elle éclore comme un roman ou comme un sonnet dans la tête d’un homme ?

Les grands poèmes épiques de nos pères ont été l’ouvrage de dix et de vingt années. Une religion n’est-elle pas toute la vie d’un homme ? Leroux n’est qu’à la moitié de sa carrière. Il porte en lui des solutions dont le cœur lui donne la certitude, mais dont la définition et la preuve pour les autres hommes demandent encore d’immenses travaux d’érudition, et des années de méditation. Quoi qu’il en soit, ces admirables fragments suffisent pour mettre un esprit droit et une bonne conscience dans la voie de la vérité. De plus, c’est la religion de la poésie. Si vous y mordez, vous ferez un jour la poésie de la religion.

Dites, et je vous enverrai tout ce qu’il a écrit. Vous vivrez là-dessus comme un bon estomac sur du bon pain de pur froment. La poésie ira son train, et vous réserverez, chaque semaine, une ou deux heures so-