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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

répondant pas, et je suis très fâchée de l’avoir fait si vous prenez ma lettre pour une attaque à votre conviction et à votre caractère. Vous croyez, par exemple, que je vous refuse le cœur, et je n’ai pas songé à cela. Je n’ai aucun droit de douter du vôtre, surtout après les luttes que vous avez soutenues. Voilà à quoi mènent les discussions ; on s’attache aux mots, et chaque mot demanderait un commentaire. Je crois comprendre qu’en niant Dieu, et l’amour divin, qui est une des faces de la Divinité, vous portez dans la recherche de ces hautes vérités une intelligence froide. Je ne dis pas pour cela que vous manquiez d’affection et de charité dans vos relations avec l’humanité. Votre cœur prend une route, et votre esprit une autre route, tandis que ce ne serait pas trop des deux réunis, pour chercher le vrai Dieu, que je n’explique pas du tout et que je ne conçois pas comme vous m’en attribuez la formule. Pendant quatre pages, vous prêchez à beaucoup d’égards quelqu’un qui n’avait pas besoin de tout cela pour rejeter l’idolâtrie de votre Jéhovah juif et de notre bon Dieu catholique. Mais je crois en Dieu et en un Dieu bon, et toute l’Allemagne réunie à toute la France ne me l’ôterait pas du cœur.

Je serais fort peinée que vous crussiez nos cœurs et nos portes fermées systématiquement à tout ce qui lutte en Allemagne contre l’ennemi commun. Mais, si vous êtes tous comme vous ; si, dans votre ardeur spinoziste, vous nous appelez devant votre tribunal, et vous demandez compte de notre œuvre, sans nous