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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Mais qui peut dire qu’il a vécu sans faire des sacrifices ? celui-là n’aurait pas de cœur qui n’aurait pas su les accepter. J’espère que, l’année prochaine, si vous avez quelque moment de vacances, je pourrai vous dire : « Venez voir votre mère ! » Que ne puis-je mieux faire et vous dire : « Je cours, je voyage, je pars et je vais de votre côté, pour vous voir, pour serrer dans mes bras votre femme et votre enfant ! » Mais je ne voyage plus, quoique ce soit fort dans mes goûts, et vous pensez bien qu’il y a aussi à cela quelque raison.

Que je vous dise maintenant ce que je suis devenue depuis tant de temps que je ne vous ai écrit. J’ai été à Paris jusqu’au mois de juin, et, depuis ce temps, je suis à Nohant jusqu’à l’hiver, comme tous les ans, comme toujours ; car ma vie est réglée désormais comme un papier de musique. J’ai fait deux ou trois romans, dont un qui va paraître. Il a fait un été affreux ; je suis peu sortie de mon jardin, j’ai peu monté à cheval et en cabriolet comme j’ai coutume de faire aux environs tous les ans. Tous les chemins de traverse qui conduisent à nos beaux sites favoris étaient impraticables, et ma fille n’est pas du tout marcheuse. Je lui ai acheté un petit cheval noir qu’elle gouverne dans la perfection et sur lequel elle paraît belle comme le jour.

Mon fils est toujours mince et délicat, mais bien portant, d’ailleurs. C’est le meilleur être, le plus doux, le plus égal, le plus laborieux, le plus simple et le plus droit qu’on puisse voir. Nos caractères, outre nos