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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

Nohant, par la grande route et la diligence, en trois heures.

Que votre lettre est bonne et votre cœur tendre et vrai ! je suis certaine que vous me ferez un grand bien et que vous remonterez mon courage, qui a subi, depuis quelque temps, bien des atteintes dans des faits personnels. Et qu’est-ce que les faits personnels encore ! je devrais dire que, depuis ces dernières années surtout, j’ai grand’peine à me maintenir, je ne dis pas croyante, la foi conquise au prix qu’elle nous a coûté ne se perd pas, mais sereine. Et la sérénité est un devoir, précisément, imposé aux âmes croyantes. C’est comme un témoignage qu’elles doivent à leur religion. Mais nous ne pouvons nous faire pures abstractions, et l’attente confiante d’une meilleure vie, l’amour de l’idéal immortel ne détruit pas en nous le sentiment et la douleur de la vie présente. Elle est affreuse, cette vie, à l’heure qu’il est. La corruption et l’impudence sont d’un côté ; de l’autre, c’est la folie et la faiblesse. Toutes les âmes sont malades, tous les cerveaux sont troublés, et les mieux portants sont encore les plus malheureux ; car ils voient, ils comprennent et ils souffrent.

Cependant il faut traverser tout cela pour aller à Dieu, et il faut bien que chaque homme subisse en détail ce que subit l’humanité en masse. Venez me donner la main un instant, vous, éprouvé par tous les genres de martyre. Quand même vous ne me diriez rien que je ne sache, il me semble que je serais for-