Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 2.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
59
CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

des nouvelles de ma fille, vous me ferez bien plaisir ; car, depuis quelques jours, j’en suis inquiète. Je lui ai trouvé une gouvernante et je vais la reprendre. Si vous veniez tout de suite, je vous prierais de me l’amener ; mais je crains que vous ne soyez trop longtemps. Je la ferai venir au premier jour.

P… va se jeter à vos genoux et vous raconter comme quoi il a mangé les plus beaux poissons d’avril qui aient jamais paru dans le département de l’Indre. Il a disputé de très bonne foi contre Duteil et Rollinat, qui s’étaient donné le mot et qui lui ont soutenu pendant tout un dîner que la littérature ne servait à rien dans les arts. Le malheureux était furieux, consterné ; il foisonnait de citations, d’exorcismes scientifiques et d’arguments ad hominem.

Le Malgache lui a apporté un très beau saucisson, qui s’est converti en bûche, lorsqu’il a défait le papier et les ficelles. Il est furieux et persiste à croire que Rollinat lui a envoyé l’infâme bourriche d’huîtres. Le père Rollinat, qui est venu passer ici quelques jours, lui a confirmé l’imposture très gravement et lui a donné la définition suivante : « Le poisson d’avril est un animal qui prend naissance dans une bourriche et qui voyage à l’aide de pierres et de pots cassés, dont il tire sa nourriture. » Le Malgache prétend que le saucisson-bois est une plante qu’il a rapportée de Madagascar. Rollinat lui a fait encore avaler un troisième poisson, mais si malpropre, qu’à moins de vous le raconter en latin, je ne saurais comment m’y prendre.