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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND

à tout le monde, sans s’apercevoir que tout le monde se moque de lui. Il est venu ici pour me voir, tout tranquillement, sans ma permission et se recommandant de Rollinat, qu’il avait connu à Châteauroux, et qui lui avait refusé dix fois de l’amener ici.

Rollinat, ne pouvant s’en défaire, lui dit :

— Écoutez, je crois que madame Sand dort encore. Moi, je vais me coucher.

— Comment, en plein midi ?

— Oui, mon ami, c’est l’usage de la maison. Je vous souhaite le bonsoir.

Et il va se coucher. On vient me dire que M. X… s’obstine à me voir. Je me cache dans les rideaux de mon lit, non sans y avoir fait un trou. M. X… est introduit dans ma chambre. Une personne respectable l’y reçoit. Elle était âgée d’environ quarante ans, mais on aurait pu lui en donner soixante à la rigueur. Elle avait eu de belles dents, mais elle n’en avait plus. Tout passe ! Elle avait été assez belle ; mais elle ne l’était plus. Tout change ! Elle avait un gros ventre et les mains un peu sales ; rien n’est parfait !

Elle était vêtue d’une robe de laine grise mouchetée de noir et doublée d’écarlate. Un foulard était roulé négligemment autour de ses cheveux noirs. Elle était mal chaussée ; mais elle était pleine de dignité. Elle semblait parfois sur le point de mettre quelques s et quelques t mal à propos ; mais elle se reprenait avec grâce, parlait de ses travaux littéraires, de M. Rollinat, son excellent ami, un homme parfait, des talents de